la Mécanique, c’est une question de vocabulaire…

(contribution à "prouesses techniques-excellence humaine")

la Mécanique, c’est une question de vocabulaire…

08 août 2012, Bordeaux : le CASA 235 NMR 156 FRAIQ touche en douceur la piste…et gronde après quelques tours de roue. Ce grondement sourd et cyclique du roulement qui fatigue…ce grognement qui vous presse de libérer la piste, selon ce réflexe du pilote de brousse qui sait qu’une piste occupée est la porte de sortie fermée. Bondissant tel le fauve, le mécanicien navigant examine son avion blessé sur le taxiway. Le diagnostic est sans appel : « les pil : soit il va falloir apprendre à vous poser, soit il va falloir bouffer moins. Autrement, la roue arrière droite fait une sale gu… ».

Un examen moins émotif indique que le moyeu n’est plus aligné, signe d’un effondrement des roulements. Joint par téléphone, le « Royal Cambouis » picard confirme et fait sonner le tocsin : mécaniciens, clous, roue et la panoplie de « on-ne-sait-jamais » arrivent en piste. Leur faisant écho, les « ops » dénichent un avion, un CB , un « phase  » et un MES . L’affaire est rondement menée, jusqu’à la demande officielle de dépannage. 

Bordeaux étant alors l’antre du CSFA, nous portons donc la dite demande en main propre aux officiers de quart à moins d’une lieue de notre destrier sur le flanc couché. La surprise fait place à la perplexité lorsque nous tendons notre demande manuscrite. Les mesures préalablement prises rassérènent nos deux comparses, jusqu’à ce que des ordres dussent être donnés et qu’une demande de transport être émise vers le quart transport du CNOA. La coupe est pleine, lorsque je suggère de préparer le soutien de l’équipe de dépannage : « dans la Chasse, c’est le lieutenant qui s’en occupe » m’assène-t-on avec autorité. Quelques gravures expliquées , une feuillure finement réglée et une paire de cravates arrangées plus tard, je suis assuré de l’hébergement et de l’alimentation de mes Gaulois.

Le ronronnement rassurant du CASA de dépannage et la mine enjouée du chef d’équipe achèvent de dissiper cette désagréable expérience. Le coup d’œil vif et expert confirme le diagnostic technique. L’appréciation des qualités professionnelles des cochers s’est estompée depuis. Deux heures, quelques jurons, des gerbes d’étincelles plus tard, la trappe de train claque et le verdict tombe : « il est bon, on te fait les huiles et le plein !». Magie du vol de nuit, les disciples d’Eloi s’assoupissent dans la soute, confiants en leurs pilotes et leur taxi.

S’il ne s’agit pas d’un dépannage épique, fait de « shunts », de tirs de mortier et de nuit afghane, c’est toutefois une de ces petites aventures qui font de nos « sous-off mécanos » des gens d’exception et qui animent nos bars et CoTAM clubs. Aujourd’hui, Bordeaux ; demain, San Francisco verra débarquer un adjudant, une poignée de sergents, quelques caisses à clous et des pièces détachées. Pour paraphraser Michel Audiard, « la Mécanique, c’est une question de vocabulaire…de bruit, d’odeur et de d’improvisation » . Vous l’aurez compris : du cambouis s’est glissé dans mon ADN.

COL Tony ANQUETIL, ET01.064 « Béarn », ET03.062 « Ventoux »

In memoriam SGT Jean-Pierre ANQUETIL, 10ème EC, 2ème RI, mon père et mentor mécanicien.